Lettre à ma Mémé

Publié le par Lu MaCha

Lettre à ma Mémé

Trop souvent, nous attendons que l’être cher disparaisse pour lui exprimer combien nous l’aimons, lors d’un discours à l’Eglise,
au cimetière, au crématorium,
dans une lettre que le facteur sera bien en peine de distribuer,
dans une chanson, un tableau que le défunt ne pourra écouter ou admirer.
Ou encore dans un texte qui pourra être lu par tous, sauf lui !!

C’est en pensant à ma Grand-mère, heureusement, bien vivante, que je me suis dit que j’avais énormément de choses à lui dire, des remerciements à lui faire. Car c’est aujourd’hui qu’elle serait contente d’entendre ces mots là, pas lorsqu’elle sera sagement allongée dans sa boîte en bois.

C’est ainsi qu’est né ce texte.

J'ai offert ce texte à ma grand mère il y a quelques mois.
Longtemps je l'ai trouvé trop intime pour le publier ici. Mais aujourd'hui, je me dis qu'elle mérite ces éloges publics.

Mémé a presque 85 ans, elle est mère de 3 enfants : 1 fille et 2 garçons.
Elle a 11 petits enfants : 8 filles et 3 garçons.
Elle a 14 arrières petits enfants : 8 filles et 6 garçons.
Elle a été, et est, pour chacun d’entre nous une femme juste, équitable et disponible.

50 balais !!
Lorsque tu as eu 50 ans, papa en avait 30 et moi 9.
Ce 24 avril 1993, Papa s’exclame : « 50 balais !!!»
C’est alors que j’ai répondu de ma petite voix fluette, à une assistance qui faisait peu attention à moi : « C’est pour cela qu’elle a toujours un balais dans la main » ce qui était vrai au moment précis !
C’est ainsi que je provoqua un fou rire général. C’est la 1ère fois, que je me souvienne, que je fis rire, volontairement, des adultes et j’en étais extrêmement fière !!

Qui n’a pas fugué de chez mémé !
Retraitée de l’Education Nationale, jeune, car mère de 3 enfants, tu as été totalement disponible pour tes petits enfants. Tu nous as beaucoup gardés.
Nous sommes quelques unes, au moins 3, à qui nous avons raconté une anecdote similaire. Partir seule faire le tour du "pâté de maison".
Anne-Laure, toute petite, panier au bras, était partie "faire ses commissions".
Noëmie, 4/5 ans, "pépin" sur l’épaule revenait tranquillement de son tour, lorsqu’elle a été retrouvée.
Et moi, entre 6 et 7 ans, j’ai traversé la ville "à bicyclette" car je voulais aller voir mon père.
Nous ne te fuyons pas, certainement pas ! Mais la liberté était inhérente à ton mode d’éducation. Il n’y avait pas de limite à la connaissance, pas de frontière au savoir. Les portes étaient ouvertes, la clefs restait sur la voiture. Tu nous as appris à ne pas avoir peur de l’inconnu, à ne pas craindre l’Autre.

Femme engagée.
Tu as passé ta vie à écrire des lettres aux prisonniers du monde entier. Avec Amnesty International tu t’es battue contre la peine de mort et les injustices dont le monde regorge. C’est ainsi que vers 8-9 ans j’ai vu ma première (et dernière) exécution sur chaise électrique à la télé, cachée derrière ton fauteuil en velours rouge.

La lecture
Un jour après l’école tu me faisais faire mes leçons, de la lecture. Je ne devais pas être concentrée, je lisais mal. Tu m’as mis une gifle, moi qui n'en recevais jamais. J’avais des lunettes à grosse monture rose (qui appartenaient à ma tante Christelle). J’ai vu les carreaux se remplir de larmes. Cette gifle, est je crois la seule que j’ai reçu dans ma vie. Elle m’a vexée, car je m’en voulais de te décevoir…

Souvenirs gustatifs.
Impossible d'oublier ces petites pommes de terre sautées, dont toi seule a le secret. Comment ne pas saliver en repensant aux tartines beurrées, saupoudrées de chocolat noir, râpé par tes soins.
Aujourd’hui encore nous savourons tes confitures…
Je n’oublierai pas non plus, les Kinder Délice rangés dans le bahut de l’entrée, comme un cadeau de Bienvenue !!
Le chien n'était pas en reste. Nous sommes tous aller chercher, à l’heure du café, les « biscuits du chien », et je te revois lui préparer sa soupe, un véritable pot au feu au riz soufflet. Chez Pépé et Mémé pas de sous dîner !

Bien sûr, je me souviens de mon année de 3ème où j’ai vécu chez vous. Une bouffée d’oxygène dans cette enfance grise et froide. Grace à cette année, et à tous les moments passés avec vous, j’ai acquis la structure qui me tient aujourd’hui. Sans Pépé et toi, je ne serai pas la femme que je suis aujourd’hui, c’est certain.

Je suis heureuse que mes garçons aient gouté à tes tartines et à ta purée (qui est bien meilleure que la mienne parait-il).
Je suis heureuse qu’ils jouent au grenier, comme nous l’avons tant fait, il y a de nombreuses années.
Je suis contente des livres que tu leur offres, car tu leur partage ce que tu as de plus beaux, ta connaissance et ta culture.
Je suis heureuse de voir leur entrain lorsque je leur dis que nous te rendons visite, car c’est le même que le mien.

Mémé c’est une richesse de t’avoir.
Merci pour tout !

La fille aux petits pois.

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